Pubblicato il monografico “Secrets et raison d’État” per la rivista Cités 2023/2 (N° 94). Pubblichiamo uno stralcio dalla presentazione di Yves Charles Zarka alla sezione monografica della rivista
La question centrale de ce dossier sur « Secrets et raison d’État aujourd’hui » est la suivante : la raison d’État définit-elle un mode particulier, éventuellement archaïque, de l’art de gouverner ou constitue-t‑elle une dimension irréductible, une nécessité interne, du fonctionnement de tout pouvoir politique ? Cette part obscure du pouvoir est-elle réductible ou non ?
Pour répondre à cette question, il convient de rappeler tout d’abord que la raison d’État n’est pas une notion qui a eu toujours le même sens. Les problèmes auxquels elle renvoie ont été assez divers au cours de l’histoire moderne. Ainsi, au moment de la constitution théorique de la notion de « ragion di stato » à la fin du xvi e siècle, chez Giovanni Botero [1] cette notion se situait à la flexion de deux problématiques : celle d’une justification religieuse de l’art de gouverner et celle d’une rationalisation de la politique qui commence à prendre la forme d’une science de l’État. Il va de soi que la raison d’État ne renvoie plus aujourd’hui à ce contexte théorique : d’une part, les sciences de l’État ne relèvent plus du domaine de la raison d’État et, d’autre part, nous n’envisageons plus du tout le problème de la justification politique en termes théologiques.
Sur le premier point, la notion de raison d’État a pour contenu principal aujourd’hui l’idée d’une décision ou d’une action du pouvoir politique qui déroge au droit commun.
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Dans cette configuration générale, on pourrait avoir tendance à considérer la raison d’État comme constitutive des formes politiques autoritaires, tyranniques ou totalitaires selon les cas, précisément parce que le pouvoir n’y a pas de compte à rendre à la population. La raison politique, ou ce qui se donne pour telle, n’a pas à rendre raison de ses décisions ou de ses actions. La part obscure du pouvoir serait ainsi liée à l’hétéronomie de la volonté des gouvernants par rapport à la volonté supposée, soupçonnée ou exprimée du peuple. En revanche, cette part obscure n’aurait plus de raison d’être dans la démocratie, puisque celle-ci est la figure, à travers le principe de la souveraineté du peuple, de l’autonomie politique.
En fait, les choses ne sont pas si simples. L’expérience politique le prouve, la raison d’État n’est pas étrangère à la démocratie. Toute la question est donc de savoir pourquoi et sous quelles formes la raison d’État ressurgit en régime démocratique. S’agit-il de la survivance d’un archaïsme, du résultat d’un moment ponctuel de crise, ou de la présence dans la démocratie d’un élément constitutif du pouvoir politique comme tel ?
- [1] Cf. Giovanni Botero, De la raison d’État (1589-1598), Paris, Gallimard, 2014. Sur cet auteur, cf. Y. C. Zarka (dir.), Raison et déraison d’État, Paris, Puf, 1994, p. 101-120.